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Le Labyrinthe de Crète
(Vers 1460-1475 - Paris, Bibliothèque nationale de
France)
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«On se retrouvait dans un dédale inextricable de ruelles, de carrefours et de culs-
de-sac, qui ressemblait à un écheveau de fil brouillé par un chat» (Victor Hugo)
«Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d'une manière un peu lourde
et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens de croi-
sent presque sans se voir, où la vie de l'immeuble se répercute...» (Georges Perec)
Il faut s'imaginer une page où il n'y a rien d'écrit. Et des milliers de pages contenant des textes, des images, des extraits sonores et des bouts de film. Et toutes ces autres pages convergeant vers elle. On peut également s'imaginer cette page comme étant celle de laquelle on peut aller vers toutes les autres soit directement, soit en passant par d'autres pages. On peut aussi s'imaginer des pages reliées entre elles et qui ne convergent nulle part.
L'idée d'une sphère quadri-dimensionnelle n'est pas étrangère à cette vision : si, en effet, d'une page on peut passer à une autre, cette autre n'est pas nécessairement adjacente ni dans l'espace, ni dans le temps.
Ceci étant dit, il faut accepter : 1) que chaque page, pour être reliée aux autres, doit forcément être accessible d'une ou de plusieurs autres pages mais elle doit également diriger le lecteur vers une ou plusieurs autres sinon cette page deviendrait un cul-de-sac, 2) que, pour avoir accès à l'ensemble de ces pages, on ne doit pas être obligé de passer par une en particulier, chaque page se trouvant ainsi indépendante par rapport au tout mais également reliée au tout. - La contrainte, s'il y en a une, est que les pages ne doivent pas se suivre séquentiellement sauf lorsque leur contenu individuel est trop important pour être manipulé efficacement. Appelons ces pages ou groupe de pages, des méga-pages ; leur ensemble, quoique constitué de plusieurs pages, doit être soumis aux mêmes règles que les pages uniques.
Maintenant, imaginons un ensemble de ces pages (ou de méga-pages) en perpétuelle évolution : régulièrement on en ajoute, on en supprime, on en modifie les contenus.
Le tout peut-être accompagné d'index ou non, ces index ne servant cependant pas à guider le lecteur mais à le transporter d'une page à l'autre autrement que par un lien direct ou lui indiquer si tel ou tel sujet est traité à l'intérieur de l'ensemble car si les pages ne sont pas directement reliées entre elles au niveau des sujets, une même page peut contenir plusieurs sujets et les mêmes sujets peuvent être traités dans des pages différentes.
Il faut s'imaginer un homme dont on ne connaît rien et qui nous est présenté pour la première fois. Nous le voyons dans un certain contexte, au restaurant, au travail, dans un cocktail, à un événement sportif. Nous examinons ses vêtements, son visage, ses lunettes. Nous apprenons qu'il fume, qu'il boit du scotch, qu'il est sûr de lui ou nerveux. - Voilà quelques pages gravées dans notre cerveau à propos de ce Monsieur X. - Il se peut même que ce jour-là, nous n'apprenions même pas son nom.
Plus tard, en d'autres circonstances, nous rencontrons le même homme ; en compagnie, cette fois-là, de sa conjointe. Nous apprenons qu'il est marié, qu'il a deux enfants, qu'il demeure dans un pavillon de banlieue, qu'il conduit une voiture sport.
Plus tard, encore, nous le revoyons chez des amis où il nous fait part qu'il lit Shakespeare, qu'il a vu tel ou tel film, qu'il a aimé celui-là mais pas l'autre, qu'il collectionne les horloges.
Petit à petit, cet homme finit par devenir un être que nous sommes convaincus de connaître. Il suffit de penser à une chose que nous connaissons de lui pour que les autres nous reviennent en mémoire. Et puis, un jour, nous apprenons qu'il a toujours eu une vie cachée ; qu'il vient d'être arrêté pour trafique de stupéfiants.
Que notre opinion eût été différente si nous l'avions connu sous cet angle, au départ !
Les pages décrites ci-dessus peuvent servir à raconter la vie de cet homme. En ce qui nous concerne, pour répéter la séquence des événements qui nous a amené à le connaître, nous commencerions par lire la page où nous l'avons rencontré pour la première fois pour ensuite passer à celle où nous l'avons rencontré pour la deuxième fois, jusqu'à nous ayons lu la page où il est question de stupéfiants. - À partir de là, un choix s'imposera : de continuer ou de ne pas continuer.
D'autres, en présence de ces mêmes pages, auraient sans doute commencé ailleurs pour éventuellement passer par nos pages...
D'autres liront tout et seront convaincus après un temps qu'ils ont tout lu.
Il faut s'imaginer un site bâti autour autour d'un noyau où le réel côtoie l'irréel, où les personnages fictifs agissent dans la réalité, où les personnages réels agissent dans l'irréel. Il faut s'imaginer un site où les informations qui y sont contenues peuvent être vraies ou fausses, où beaucoup d'importance est donnée à des choses qui n'en ont pas et aucune importance à celles qui en ont, où les liens ne mènent pas nécessairement là où l'on pense aller...
Il faut s'imaginer un tel site.
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